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La cruauté du gavage des oies françaises indigne au Royaume-Uni

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Derush-mitteault-Maison-Mitteault-foie-gras2C'est le genre d'information que les amateurs de foie gras pourraient avoir du mal à digérer, particulièrement à l'approche de Noël. Dans une vidéo choc reprise par la presse britannique, le tabloïd anglais The Daily Mirror dévoile des "actes de barbarie" perpétrés lors du gavage de canards pour produire le mets synonyme de fêtes de fin d'année : oiseaux à la gorge endommagée, aux pattes ensanglantées, agonisants empilés les uns sur les autres ou encore couverts de vomi. Ces images, affirme le quotidien, ont été tournées en caméra cachée au sein de la maison Mitteault, producteur français de foie gras situé à Chalandray, dans la Vienne.

Le chef Heston Blumenthal, propriétaire du restaurant anglais Fat Duck, 3 étoiles au guide Michelin, a immédiatement décidé de ne plus s'approvisionner en foie gras chez le producteur, indique The Daily Mirror.

L'entreprise incriminée, de son côté, n'a pas tardé à réagir. Louis-Marie Mitteault, l'un des trois frères qui dirigent l'exploitation, dénonce "une agression choquante et sans fondement" dans un communiqué publié sur Facebook et ouvre les portes de ses bâtiments dans une vidéo filmée par le quotidien régional La Nouvelle République.

"Ces images choquantes (...) n'ont évidemment rien à voir avec la réalité, assure le producteur, qui affirme vouloir porter l'affaire devant la justice. Une fois de plus, il s'agit d'un coup médiatique savamment orchestré par des associations militantes, qui ont fait de la lutte contre le foie gras leur cheval de bataille. Ces associations n'hésitent pas à manipuler les images, à mentir et à user de moyens fallacieux pour arriver à leurs fins."

Derush-mitteault-Maison-Mitteault-foie-grasEn 2013 déjà, The Daily Mirror avait publié des images d'actes de cruauté sur des canards, diffusées par l'association L214 chez le producteur vendéen Ernest Soulard. Elles avaient conduit un autre chef étoilé, l'Ecossais Gordon Ramsay, à cesser ses approvisionnements. Alors, s'agit-il seulement d'une nouvelle croisade de la perfide Albion, qui aime tant les bêtes qu'elle a interdit sur son sol la production de foie gras, jugée trop cruelle ? Les producteurs traditionnels français n'auraient-ils donc rien à se reprocher ?

"La réalité de la production de foie gras est toujours la même, toujours choquante, qu'il s'agisse des fournisseurs de supermarchés ou de ceux des grands chefs, dénonce Brigitte Gothière, porte-parole de l'association L214, qui se bat pour interdire la production de foie gras. Cette filière communique largement autour d'une production artisanale et traditionnelle, à base d'images de canards évoluant en plein air ou de mignons canetons, mais rien sur la réalité du gavage."

20141126-foie-gras-canards-elysee-02Après avoir été élevés 40 jours en poussinières, puis 40 jours en extérieur, les canards et les oies sont gavés industriellement pendant 12 jours, dans des cages, avant d'être abattus. On leur administre deux fois par jour, à l'aide d'une pompe hydraulique ou pneumatique enfoncée dans l'œsophage, près d'un kilo de pâtée de maïs en trois à quatre secondes. Ce traitement occasionne des lésions, des inflammations (œsophagites, entérites), et des infections (notamment des candidoses et des infections bactériennes). Le foie atteint jusqu'à dix fois sa taille habituelle. "Les oiseaux sont atteints de stéatose hépatique [lésion du foie]. Les consommateurs mangent donc un foie malade", poursuit Brigitte Gothière. 4 % des bêtes meurent pendant le gavage – un chiffre que le Comité interprofessionnel des palmipèdes à foie gras (Cifog), qui représente la filière, nie et situe plutôt à 1 à 2 %.

20141126-foie-gras-canards-elysee-20L'ONG a publié, fin novembre, une enquête dans une salle de gavage du Périgord sous contrat avec le fournisseur de foie gras de l'Elysée, qui montrait un millier de canards rendus malades, immobilisés dans des cages au sol grillagé, gavés mécaniquement à la chaîne et bourrés d'antibiotiques.

L’Union européenne, dans une directive de 1998, interdit l’alimentation forcée des animaux dans les élevages, débouchant sur "des souffrances ou des dommages inutiles". Toutefois, lors de l’adoption en 1999 de recommandations européennes concernant les canards et les oies, les pays producteurs de foie gras ont bénéficié d’une dérogation, le temps qu'ils étudient des alternatives n'impliquant pas la prise forcée d'aliments (toujours en cours, évidemment). L'entrée en vigueur de cages collectives, conformément à la législation européenne, a également été repoussée en France, au 1er janvier 2016.

Aujourd’hui seuls cinq pays européens produisent du foie gras : la France, la Bulgarie, la Hongrie, l’Espagne et la Belgique. Le gavage est interdit – mais pas la consommation – dans les autres Etats, soit directement, soit indirectement en application de la législation contre la maltraitance animale. La Pologne, qui était le 5e producteur mondial, a rendu le gavage illégal en 1999. L’Italie y a renoncé en 2004.

L'Hexagone, qui a inscrit le foie gras au patrimoine gastronomique national en 2006, représente 72 % de la production mondiale, avec 19 000 tonnes l'an dernier, issues de 40 millions de canards et de 700 000 oies gavés, selon la dernière note de conjoncture du ministère de l'agriculture. Si la consommation est en léger déclin (- 3 %) en 2013, pour la  troisième année consécutive, la production de foie gras a été multipliée par plus de trois en vingt ans. Les Français ont consommé l'an dernier 280 grammes de foie gras par personne en moyenne.

Les consommateurs restent partagés : selon un sondage OpinionWay commandé fin 2013 par L214, 44 % des Français sont favorables à l’interdiction du gavage et 29 % refusent d’acheter du foie gras pour des raisons éthiques – 10 points de plus qu’en 2009 – ; mais dans le même temps, 80 % d'entre eux estiment que le foie gras est un incontournable des fêtes de fin d'année, selon une autre enquête réalisée en octobre par le CSA pour le Cifog.

Audrey Garric

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Photos : Daily Mirror et L214


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